Entre mars et mai 2020, les français sont restés confinés à leur domicile pour cause de Covid-19. Des chercheurs du CNRS et de SciencesPo se sont penchés sur cette « expérience inédite ». Et sur la façon dont elle a été vécue au quotidien. Stress, travail, habitudes alimentaires, activité physique, lien social…rien a été oublié.
L’école à la maison, facteur de stress !
La géographe Lise Bourdeau-Lepage montre qu’« Il y a un clivage avec d’un côté un confinement qui “fait du bien”. Et de l’autre, des précarités et des inquiétudes professionnelles et financières fortes. Et des situations de profonde détresse psychologique ». On apprend que 90 % des enquêtés étaient plus inquiets que d’habitude pour leurs proches. Que près d’un tiers des parents ont exprimé un stress important lié à l’obligation de faire l’école à la maison. Un tiers des personnes déclare avoir fait plus d’écarts alimentaires que d’habitude. Et près d’un quart avoir consommé plus de boissons alcoolisées.
Espace de vie, télétravail et interrogations
Dominique Chevalier, géographe également, s’est penché sur le partage de l’espace de vie, entre télétravail et « école à la maison ». « Photos à l’appui, certaines personnes ont montré aux chercheurs à quel point elles dû revisiter leur espace intérieur. Lits transformés en zones de stockage des dossiers. Planche posée sur une table à repasser (ou sur les accoudoirs d’un fauteuil) en guise de bureau improvisé (…) Les gens se sont beaucoup livrés sur leurs projets (déménagement, démission de leur travail, etc.), le besoin de revoir certains aspects de leur vie (séparation d’avec leur partenaire, besoin de faire un métier plus « utile » ou proche de la nature) ».
L’activité physique en berne ?
A l’Institut des Sciences du Mouvement Etienne-Jules Marey (ISM), le chercheur Nicolas Mascret a interrogé 700 sportifs de tous niveaux en s’intéressant à la motivation et le plaisir. « Eviter de régresser est devenu leur priorité pendant le confinement. Alors qu’avant celui-ci leur but était plutôt de progresser. Ils éprouvent aussi moins d’intérêt pour l’exercice physique…. »
Port du masque et changement de vision
Sept sociologues des techniques se sont penchés sur le rapport de la population au masque de protection grâce à l’enquête Maskovid qui a rassemblé 1000 participants. « Pour Franck Cochoy du Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires, cet objet, habituellement absent de la vie sociale, est devenu « un équipement de confinement mobile qui rassure face à un danger difficile à appréhender ». En à peine quelques semaines, « les comportements se sont inversés. Si avant la crise le porteur de masque paraissait hostile, c’est, durant notre enquête, celui qui n’en porte pas qui inquiète », conclut le sociologue ».
Alourdissement de la charge de travail des femmes
Faire Face au Covid-19, étude portée par l’Observatoire sociologique du changement de SciencesPo a également mesuré le temps consacré à différentes tâches au sein du ménage : en particulier les travaux ménagers, la cuisine, la garde d’enfants et les activités de loisirs. « Sans surprise, les résultats montrent que les femmes se sont consacrées plus au travail non rémunéré et moins au travail rémunéré. Ce résultat est aussi à mettre en lien avec le fait que les femmes actives ont plus souvent basculé en chômage partiel ou en congé par rapport aux hommes. »
De nouveaux liens sociaux
« Un résultat qui peut paraître surprenant : la période de confinement a engendré de nouveaux liens sociaux pour 16 % des personnes interrogées. Au sein des relations nouvellement établies, ce sont les relations bien réelles de voisinage qui ont pris le dessus sur les relations virtuelles.Une trame d’entre-aide entre voisins s’est aussi mise en place au fil de l’eau. Cela suggère que, même si la sociabilité en ligne est un substitut aux relations sociales physiques, une dimension très locale de la sociabilité est restée palpable pendant le confinement. »
Changement de valeurs ?
Le confinement a-t-il engendré une nouvelle vision de la société ? Nous aurait-il poussés à réviser nos préférences et à redéfinir nos priorités ? « L’enquête a enregistré une aspiration à un changement de vie à l’échelle individuelle: 74 % des répondants disent qu’ils tireront de cette expérience des leçons concrètes pour améliorer leur vie. Il y a un large consensus pour investir plus massivement dans les hôpitaux publics (67 % y sont favorables). Les préoccupations environnementales semblent aussi gagner du terrain ; la proportion des répondants qui accepteraient un ralentissement de la croissance économique pour sauvegarder l’environnement est passée de 59 % avant le confinement à 70 % après ».